lundi 24 février 2014

La vague

La Vague
de Hubert Mingarelli
vu par Barthélémy Toguo

Une histoire de marins

Les éditions du Chemin de fer font tout pour qu’on les aime. Ouvrant leur catalogue à des auteurs confirmés ainsi qu’à d’autres plus confidentiels, elles proposent de courts textes mis en image par des illustrateurs contemporains, et font ainsi du livre un objet soigné comme une boîte à bijoux, avec son papier cartonné et un élégant rabat qui vient couver le précieux texte.

Hubert Mingarelli, fort de son Prix Medicis pour Quatre soldats et auteur déjà d’une jolie liste d’oeuvres publiées chez différents éditeurs, relève clairement de la première catégorie : le monsieur a de la bouteille. Nous ne l’avions pourtant jamais lu et la soixantaine de pages de La vague nous offrait une belle occasion de combler cette lacune.

Wikipedia nous apprend que Mingarelli réside dans un hameau alpin ; l’action de sa nouvelle se déroule en mer. Le narrateur et Tjaden sont deux marins dont le bateau s’apprête à faire escale à Haïti. Ils rêvent déjà des joies que leur offrira la terre ferme, lesquelles s’incarnent dans la séduisante perspective d’une nuit passée dans un bordel, quand une énorme vague soulève le navire et le coeur d’un gradé. Quand la peur redescend en même temps que les estomacs, le ton monte au cours d’une brève altercation dont il résultera que Tjaden et le narrateur seront consignés à bord. Adieu veau, vache, cochon…

Escale à Haïti

La vague raconte les conséquences de la vague, cette nuit qui aurait dû se passer à bord et dans l’ennui si un guide n’avait proposé à Tjaden et au narrateur de les distraire de leurs rêves de poulets en leur livrant à bord la poule dont ils rêvaient. Par la suite, il ne se passe pas grand chose. On partage quelques rêves, on fume des cigarettes qu'on échange contre des confidences, et même si quelque drame semble survenir, il reste un vague indéfini. Ses suites, s’il y en a, se dévoileront plus tard. Car cette nouvelle ressemble à un épisode qu’on pourrait penser arraché à un ensemble plus long. D’ailleurs, si Mingarelli ne construit pas ses personnages au sens où l’on a coutume de l’entendre, ceux-ci semblent déjà avoir une épaisseur, un passé, des relations les nouent déjà, leur personnalité est affirmée. On les prend comme en cours de route et on les abandonne comme si on avait ouvert un gros roman au hasard, chez le libraire ; un roman que l’on n’aurait fermé que pour passer à la caisse avant de le rouvrir chez soi.

C’est une expérience de lecture étrange mais étrangement plaisante. Le texte est sobre, mais soigné, agréable. Son succès réside pour beaucoup dans l’ambiance que Mingarelli parvient parfaitement à poser, quelque chose où le doux le dispute au rugueux, à la manière d'un mauvais lit quand on est exténué ; l'ADN finalement assez classique, mais toujours efficace de ces histoires de marins qu'on aime tant. Et les très belles illustrations de Barthélémy Toguo contribuent à transposer cette histoire simple dans une atmosphère onirique, presque mystique, avec ces femmes qui ressemblent à des divinités hindoues. Le texte et les dessins s’entrelacent ; ensemble, c’est un très agréable moment qu’offrent les éditions du Chemin de fer, auxquelles on reviendra.



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